Ce matin nous reprenons la route vers Pucallpa . Le trajet
ressemble à celui effectué quelques jours avant pour rejoindre
Puerto Bermudez. Asphalte et terre alternent régulièrement et nous
nous enfonçons encore un peu plus dans la jungle amazonienne.
Chaleur étouffante, trous , bosses et musique des années 80
nous accompagnent pendant les 5 heures de voyage. Soudain la voix
d'Indochine résonne dans le véhicule et nous chantonnons leur tube
« l' aventurier » ...cela nous rappelle de vieux
souvenirs et amuse les autres voyageurs qui nous regardent comme les
grands enfants que nous sommes.
Pucallpa est une grande ville de 205 000 habitants sans charme
particulier mais notre objectif est d'y prendre le bateau et de
contacter le guide recommandé par Jesus afin d'aller explorer la
réserve de Pacaya Samiria.
Située sur les rives du rio Ucayali ,large fleuve aux eaux
boueuses et une des sources de l'amazone,
la citée est un grand port
marchand où se côtoient bidonvilles et bâtiments neufs de béton.
La circulation et l'animation y sont intenses et seuls les berges
recèlent d'un certain attrait.
Barques, petits bateaux et cargos
s'en approprient l'espace et une véritable fourmilière humaine
s'active autour.
Une promenade est aménagée tout le long du
fleuve permettant aux habitants et visiteurs d'y flâner. Des
marchands y proposent sucreries, boissons, cigarettes et autres
babioles, quelques tatoueurs y œuvrent aussi et des prêcheurs munis
de mégaphone haranguent la foule avec force gestes tandis qu'un peu
plus loin les enfants s'amusent sur des manèges .
Notre logement n'est pas d'un bon rapport qualité prix, la
climatisation fait tellement de bruit que nous ne pouvons l'utiliser,
la connexion internet est défaillante et nous ne pouvons joindre
Shapshico tour pour organiser notre excursion prévue. Avec regret,
nous décidons de prendre le bateau juqu'à Iquitos.... et après
nous verrons !
C'est ainsi que l'aventure commence...la recherche d'un cargo est
en soi un véritable casse tête, un « bordel organisé »
qui amuse beaucoup Denis. Difficulté supplémentaire le port s'étire
en longueur et différents lieux d'embarquement sont prévus selon la
destination, de plus selon le niveau du fleuve il déménage
régulièrement. Nous suivons les conseils de notre guide et partons
à la recherche de la capitainerie...mais là, on ne peux nous
fournir aucun renseignement n'étant averti d'un éventuel départ
que 4 heures avant. Il nous faut donc chercher un bateau à quai et
demander directement.
La pluie de la veille complique les choses en transformant les
rues d’accès en terre en un bourbier où camions et véhicules
divers ont laissé leurs traces. J'avoue qu' essayer d'avancer dans
cette boue collante entre grue, palettes de marchandises, poutres et
divers objets ne m'amuse pas. Chaque pas est un effort pour réussir
à soulever mon pied. Denis, lui, semble apprécier et rit de me voir
rouspéter. Finalement, nous arrivons jusqu'à l'équipage :
« oui, ce cargo part bien pour Iquitos, il faut revenir demain
matin à 11h , il part vers midi » Pas de ticket, pas de
réservation on monte à bord et le reste se fait ensuite. Le rendez
vous est pris et prudents nous y serons à 8 h !! La remontée est encore plus difficile et c'est avec 10 cm de
terre collée sous chaque semelle que nous atteignons un endroit sec.
Complètement trempée de sueur et avec mes sandales entièrement dégueulasses ma mauvaise humeur ne me lâche pas, Denis, bon enfant,
me taquine et me fais retrouver le sourire....après tout rien de
grave...mais quand il s'agit de transport, un peu d'organisation me
rassure. A lui, l'imprévu et l'improvisation, à moi
l'organisation...finalement nous formons un bon duo. La recette d'un
voyage réussi !!
Après un nettoyage primaire dans des flaques d'eau de ce qui ne
ressemblent plus à des chaussures et une bonne bière bien fraîche,
nous allons acheter nos hamacs et cordages nécessaires à notre
périple.
Comme prévu, le lendemain nous arrivons à 8 heures au lieu
d'embarquement mais le bateau est déjà parti... !!! Notre
sympathique chauffeur de tuk tuk se renseigne pour nous et nous
amène jusqu'à un autre port où un cargo pour Iquitos doit lever
l'ancre le jour même.
Là, la chance nous sourit un peu plus...le départ est prévu
pour 16h et même s'il est à peine 8 h 30, échaudés de notre
dernière expérience, nous montons à bord.
Plantons un peu le décor : le voyage entre Pucallpa et
Iquitos dure environ 3 à 4 jours selon les saisons et le niveau du
fleuve. Les navires effectuant ce trajet sont des cargos où un pont
est réservé aux passagers. Quelques uns offrent en plus quelques
cabines mais ce n'est pas le cas du notre. Nous voyageons donc dans
une « salle » d'environ 80 m² où chaqu'un accroche son
hamac et dépose ses bagages à côté de lui. 3 à 4 wc munis d'un
tuyau suspendu en guise de douche se situent à l'arrière. Une
croisière low cost donc dans des conditions rudimentaires à
déconseiller à toute personne ne supportant pas la promiscuité et
l'absence de confort. Mais la seule et unique façon pour les
péruviens de rejoindre leurs villages au bord du fleuve ou même
Iquitos (pas de route, seule autre alternative l'avion) et une
expérience que nous voulions vivre ( eh oui ! Nous sommes un
peu maso quelques fois!!)
Notre arrivée matinale nous permet de choisir où accrochés nos
hamacs, seulement une dizaine de passagers sont présents mais au fur
et à mesure de la journée le pont se remplit complètement. Nous
sommes les seuls étrangers et le resterons pendant toute la
traversée.
Maintenant il nous faut attendre....
Le spectacle du chargement du
navire nous occupe. Déjà une quinzaine de pelleteuses, engins de
travaux et camions bennes sont à bord ainsi que diverses
marchandises, chaque espace est exploité au maximum avec ingéniosité
et à chaque fois que nous pensons le fret terminé...il n'en est
rien. Des camions entiers de sacs de ciment se succèdent, déchargés à dos d'homme sous une chaleur étouffante et à un rythme
hallucinant, nous plaignons ces travailleurs mal payés....Et les
heures passent...A 16 heures , on nous promet un départ pour 18 h .
La nuit tombe et nous sommes toujours à quai. Nous grignotons nos
maigres provisions et profitons du passage des marchandes ambulantes
pour se restaurer.
Attirés par la lumière du bateau, quelques dauphins viennent
nous rendre visite et nous essayons de mieux les voir en les suivant
à la lampe torche...Un joli petit cadeau !
La nuit est difficile , la télévision (nous ne l'avions pas vu
en entrant !) est allumée en continue et distille les images
du téléthon péruvien ( même principe qu'en France mais les dons
servent de caisse de secours en cas de catastrophes ) avec, comme il
est de coutume ici, un son au maximum !!!
Finalement, c'est à 6 h 30 du matin que le bateau lève
l'ancre...enfin le voyage commence.
Pendant ces 3 jours la vie à bord est rythmée principalement par
les repas. Au son de coups frappés sur un tuyau, chaque passager se
munit de son billet, de son tupperware et de ses couverts ( surtout
ne pas les oublier avant l'embarquement puisque rien n'est fourni !)
, descend faire la queue devant la cuisine où on lui sert sa ration
et où l'on marque le repas pris.
Chacun repartant ensuite et se
trouvant un petit coin pour manger.
L’événement et la
précipitation de certains voyageurs nous amusent..
Cela ressemble
plus à une distribution en milieu carcéral qu'à une cantine....une
petite photo souvenir !!
La nourriture y est d'ailleurs de qualité et de variété
médiocre, le petit déjeuner se résume à un liquide blanchâtre (
eau de cuisson de riz sucrée...infecte!) et du pain sec, tandis que
déjeuner et dîner se déclinent avec riz, pâte, bananes plantains
et petit bout de poulet. Nourriture qui me vaut une belle
constipation !! Heureusement une petite boutique vend quelques
sucreries et boissons.... (mais pas de café )et à nos arrêts dans
les plus grands villages des marchandes montent à bord et proposent
d'autres mets.
Véritable bus flottant, les hamacs apparaissent et disparaissent
au gré des villages traversés . Les gens sont quelques fois
embarqués et débarqués par la barque à moteur filant vers la
jungle, là où aucune habitation ne semble présente tandis que le
bateau continue sa route.
Il n'y a pas grand chose à faire... à part d'admirer le paysage
qui se déroule devant nous... admirer ce large fleuve serpentant
dans cette vaste plaine recouverte d'une végétation dense avec
toujours un bout de terre devant nous, les virages se succédant
inlassablement, kilomètres après kilomètres. Les couleurs de l'eau
et de la terre changent au fil de la journée, nous offrant de beaux
couchers et levers de soleil. Quelques rizières contrastent de leur
vert tendre avec le brun du rio Ucayali et même un arc en ciel nous
salue sur notre passage.
L'arrivée à un port est toujours un événement où nous
profitons de cette animation particulière de l'embarquement et du
débarquement.
Comme une longue file de fourmis transportant leur
butin, nous voyons colis et paquets passés de main en main tandis
que grands et petits s'embrassent pour se dire au revoir ou bonjour.
L'accès si difficile rend ces moments plus intenses et plus
émouvants...
Malgré un paysage constant, je ne m'ennuie pas de contempler cette
région et les rencontres sont si nombreuses que je ne trouve pas le
temps d'écrire trois lignes de mon blog. Après un moment
d'observation, les passagers sont curieux de nous connaître et les
discussions vont bon train. Quelques questions me font sourire :
Pourquoi vous êtes si grands ? ( et encore ils n'ont pas
affaire à des allemands !) Et vos yeux si clairs ?... Une
envie insatiable de connaître notre vie, à nous européens et
d'échanger. Mon espagnol me fait souvent défaut et je me promet de
me remettre aux cours de langue en rentrant pour ne rien louper de
ces échanges précieux. Denis sympathise avec les enfants à qui il
confie l'appareil photo...nos apprentis photographes s'en donnent à
cœur joie , prenant des clichés de tous le bateau et en particulier
de « miss bote » (bote signifiant ici bateau et se
prononce boté) jeune fille élue par nous même comme la plus jolie
du cargo !! Grimaces et ratés sont prétexte à fous
rires...Quelques photos à effacer mais de bons moments de joie de
vivre...le rire des enfants étant toujours très communicatif.
Le dernier jour, Denis discute avec notre voisin de hamac de nos
désirs de nous imprégner plus profondément de cette immensité
végétale qu'est l'Amazonie....heureux hasard, l'homme est guide et
propose des séjours. Je les rejoint pour en discuter un peu plus et
à la vue de son nom, je comprend que c'est l'homme conseillé par
Jesus et que nous cherchions à joindre. Que casualidad ! (
coïncidence en espagnol, mot appris dans nos premières leçons en
France et dont nous ne pensions pas nous servir!) Un tel signe du
destin ne se refuse pas et nous décidons de débarquer avec lui à
destination de sa maison dans la jungle pour y passer 3 nuits.
Vers les 5 h du matin , le soleil n'est pas encore levé, nous
plions nos hamacs, embarquons dans la petite barque à moteur avec
nos bagages, notre hôte César ainsi que son compère et les deux
hommes d'équipage nous emmènent vers ce petit point lumineux que
nous apercevons en face. Là, va commencer une nouvelle
aventure....mais ça c'est une autre histoire.
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