C'est un peu avec pitié que nous chargeons, une fois de plus,
notre Titine. La route promet d'être plus facile et sans trop de
dénivelés....Tant mieux ! Vu l'état de notre moto et ce que
nous lui avons fait endurer depuis plus d'un mois, un peu de plat
serait bien venu.
Ce matin, le temps est au beau fixe et comme prévu nous suivons la
Nam Ou. La route est facile et nous sortons des montagnes du nord
Laos. Les virages s'enchaînent mais aucune montée pour faire
souffrir le moteur. Le cliquetis persiste, notre vitesse est correcte
et Titine avance relativement bien.
La faim commence à se faire sentir...pas grand chose sur le
trajet mais nous nous arrêtons devant une maison qui semble proposer
de quoi se restaurer . Pas d'enseigne, seulement une table à
l'extérieur où une personne est attablée. Renseignement pris nous
pouvons bien manger ici, un seul plat proposé : la fameuse
soupe de nouilles de riz. Notre hôtesse nous amène nos grands bols,
les herbes et les différentes sauces à y rajouter. Mais au
contraire du Vietnam où souvent nous mettions en plus du piment, là
ce n'est pas nécessaire...le breuvage est déjà fortement épicé
et les locaux s'amusent à voir ma tête et les gouttes de sueur qui
me perlent au front aux premières gorgées bues.
Même Denis attrape un coup de chaud. Là, nous sommes sûr que ce
n'est pas de la cuisine pour touristes ! Les morceaux de viande
sont indéfinissable mais c'est bon. Un homme parlant un peu
l'anglais vient à notre rencontre et discute un moment avec nous.
Rassasiés et réchauffés (ça nous n'en avions pas besoin) nous
reprenons notre route et nous arrivons à notre destination en début
d'après midi.
Luang Prabang est une ville de 70000 habitants et est classée au
patrimoine mondiale de l'unesco. Le centre touristique est charmant
avec ses maisons coloniales rénovées, ses temples rouges et or à
chaque coin de rue et sa rivière Nam Khan qui vient se jeter dans le
Mékong. La citée nous enchante avec son ambiance non chalente et
malgré l'affluence touristique nous apprécions déambuler dans ses
rues et le long de ses différentes rives. Bien vite, nous prenons
nos habitudes et fréquentons régulièrement un restaurant ayant vue
sur le Mékong profitant ainsi de la vie fluviale qui y règne et des
beaux couchers de soleil. Les bacs, même de nuit, transportent
camions, voitures, scooters et passagers sur l'autre rive . Quelques
bateaux attendent les touristes désirant naviguer sur ce mythique
fleuve grossie par les pluies de la mousson. Tandis qu'un va et vient
incessant de barques remplissent l'air du bourdonnement de leur
moteur. Notre nouvelle cantine a un cadre agréable et propose de la
bonne cuisine thai et laotienne et pour un prix raisonnable. Nous
retrouvons avec plaisir le green curry mais nous découvrons aussi
des mets locaux comme les pousses de bambou, le riz gluant cuit à la
vapeur et servit dans des petits paniers avec couvercles en bambou
ainsi que « lap » salade de viande épicée,
rafraîchissant et délicieux...une fois de plus nos papilles ne sont
pas déçues !! Que Luang Prabang est jolie avec ces maisons en
bois, ses balcons aux balustrades finement décorées, ses boutiques
et sa multitude de temples. Ses habitants y sont d'un calme
bouddhique et ne nous harcèlent pas de sollicitations...Nous avons
l'impression de vivre constamment les premières heures de l'aube où
chants d'oiseaux se mêlent au bal des robes de safran des moines
déambulant dans les rues. Cependant la chaleur y est bien présente
et les averses régulières n'apportent que peu de fraîcheur.
Mais il nous faut nous préoccuper de notre valeureuse Titine et
Denis s'occupe de lui trouver un bon garagiste. Il revient perplexe
de sa matinée...de longues heures d'attente sans réponse....
-«reviens demain matin, on verra » et oui ça aussi
c'est le Laos, patience, patience... les choses se font mais en leur
temps ! Nous voici donc pour la première fois depuis longtemps
sans véhicule et nous partons à pieds à la découverte de la
ville.
Nous gravissons les escaliers de la colline Phu Si, au centre de
la vieille citée, parsemée de temples et de diverses statues de
Bouddha et dont le sommet accueille un stupa doré de 24 m. Elle
offre en plus un magnifique panorama sur Luang Prabang. Ici pas
d'immeuble et beaucoup de verdure : palmiers, frangipaniers et
autres arbres entourent maisons et quartiers. Au loin les montagnes
semblent protéger la ville de tous les dangers. Comme à notre
habitude nous achetons encens et bougies et faisons nos offrandes
tout le long de notre promenade. La ville regorge de choses à faire,
à voir et à apprécier dont le petit déjeuner qui ici rime avec
gourmandise, luxe et volupté ayant trouvé pain au chocolat et
croissant dignes des meilleures boulangeries françaises... ça fait du
bien après 5 mois de voyage. Un petit goût de chez nous avec
palmiers et temples en toile de fond.
Le lendemain nous rendons donc visite à notre garagiste et nous
retrouvons Titine complètement désossée. Le changement complet du
moteur n'est pas possible (manque de pièces) et un bricolage à
l'asiatique va donc être nécessaire. La segmentation et la chaîne
de distribution seront neuves mais les culbuteurs et l'arbre à cames seront remodelés et refaits sur place. Nous n'avons pas le choix et
de toute façon le travail est déjà commencé. Le soir même nous
récupérons notre cher véhicule avec batterie neuve et une nouvelle
jeunesse ( en tous cas nous l'espérons!) pour 160 euros mais les
réglages se faisant à l'oreille et à la vue Denis doit y retourner
plusieurs fois pour être à peu près satisfait.
Enfin de nouveau libres de nos mouvements, nous pouvons explorer
les alentours et aller admirer les fameuses chutes de Tat Kuang Si.
Situées à 30 km de Luang Prabang, dans un gigantesque parc aux
arbres majestueux elles ont vraiment de la superbe et font parties
des sites à voir.
Notre ballade commence par les enclos des ours. Confisqués aux
braconniers, ils vivent là et l'association qui s'en occupe vend
souvenirs en tous genres pour subvenir à leur nourriture. Et ils
n'ont pas l'air d'être malheureux. Jouissant d' un grand espace
naturel, ils vaquent à leurs occupations sous l’œil attendri des
touristes. L'animal n'est pas très grand par rapport à ses
congénères mais à bien l'allure d'un nounours que l'on aimerait
prendre dans ses bras. Puis nos pas nous amènent aux premiers
bassins de la chute. Entourés d'une végétation luxuriante et
étagés leurs eaux turquoises tranchent sur le vert de leurs rives et
invitent à la baignade. Le site est magnifique et bien aménagé
pour pouvoir en profiter . Malgré un ciel incertain nous nous
laissons aller au plaisir du plongeon, rafraîchissant et idyllique.
Denis en profite même pour se faire faire un massage des pieds par
les tout petits poissons, amateurs de peau morte. Remontant les
différents bassins successifs au milieu des fleurs tropicales nous
arrivons à la cascade principale. Mur de roche d'une centaine de
mètres de hauteur, l'eau y fait le grand saut. Un pont de bois
permet d'admirer le spectacle et de faire encore quelques clichés.
Après un bon après midi dans ce petit paradis nous reprenons la
route vers Luang Prabang. Dans un virage une odeur de gas-oil nous
interpelle mais trop tard Titine glisse, Denis arrive à maîtriser
une première fois mais à la sortie de la courbe la chute est
inévitable..et nous voici par terre !! Denis se relève de
suite et nous entendons une voix crier en français « mais il en faut combien qui tombe pour
faire quelque chose !!! » Deux jeunes françaises soignent
leurs blessures de l'autre côté de la route. Elles aussi viennent
juste de chuter en scooter et un laotien, comprenant le danger, va
aussitôt mettre des branchages sur la flaque d'essence incriminée
évitant ainsi d'autres accidents. Le bilan est léger, pas de casse
seulement de la peau laissée sur le bitume. Denis a des
dermabrasions importantes au niveau de l'avant bras , du genou , de
la face externe du mollet ainsi que sur tous les doigts de pieds avec
perte d'un quart de son ongle du gros orteil. Je m'en tire un peu
mieux avec seulement un gros hématome au genou et des dermabrasions
au pied. Quant à Titine elle n'a qu'un clignotant de cassé...Après
les chutes voici la chute ! Les habitants se pressent pour nous
porter secours nous proposant de l'eau et de la bétadine ainsi que
de nous emmener à l'hôpital. Le temps de nous remettre de nos
émotions et nous finissons les 5 km restants jusqu'à notre hôtel
croisant d'ailleurs un équipage laotien tombé, lui aussi, un peu
plus loin sur une autre plaque de gas-oil . La douleur est accentuée
par le contact du vent sur nos lésions et nous sommes heureux
d'arriver à destination. Mon genou m' handicape vraiment et j'y
applique de la glace pendant que mon chevalier servant cherche une
pharmacie pour compléter les quelques pansements et tulles gras
emportés de France. Lavage, désinfection et bandages finissent
cette journée. Heureusement cet accident ne met pas fin à notre
voyage mais nous fait changer nos plans. Dans un premier temps nous
allons prendre un peu plus de repos que prévu à Luang Prabang et
nous renonçons à notre séjour dans la réserve des éléphants où
la combinaison marche et jungle n'est pas recommandée en pareille
circonstance. Dommage !
Les visites des jours suivants sont limitées par notre capacité à
nous déplacer et la chaleur n'arrange rien. Nous déambulons
tranquillement dans un périmètre restreint, profitant du marché de
nuit où artisanats et souvenirs s'étalent sur les bâches en pleine
rue pour faire quelques achats. Nous faisons aussi prolonger notre
visa de 7 jours et attendons patiemment la cicatrisation de nos
plaies. Adieu donc les grottes et autres chutes situées à quelques
kilomètres de là et bonjour à la flânerie et au repos. Le soir,
nous encourageons les habitants jouant à la pétanque...ici c'est un
loisir très prisé, chaque ville ou village possède plusieurs
boulodromes et le niveau des joueurs est impressionnant. Tous les
matins, les moines sillonnent les rues de la ville en attente des
offrandes des habitants. Ils recueillent ainsi nourriture et divers
produits. Cette cérémonie est très codifiée et fais la réputation
de Luang Prabang où les temples sont très nombreux. Denis courageux
décide de se lever tôt pour y assister mais pas de chance... à son
arrivée les moines rentrent paisiblement à leur monastère. Trop
tard !
5 jours après notre vol plané sur le bitume du Laos nous sommes
prêts à reprendre la route. Les pansements sont toujours
nécessaires mais nous pouvons désormais assumer plusieurs heures de
moto. Notre prochaine destination : Phonsavan et le célèbre
site archéologique de la plaine des jarres...mais ça c'est une
autre histoire.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire