Titine nous inquiète. Sa santé est précaire et la région
montagneuse où nous nous trouvons ne va pas arranger les choses.
Nous envisageons donc de lui refaire une jeunesse à Luang Prabang.
Mais avant, il nous faut encore affronter les 450 km qui nous
séparent d'un garage capable d'un tel exploit. La solution semble
parfaite : relier Nong Khiaw à 300 km de là puis descendre en
bateau jusqu'à la fameuse Luang Prabang. Bien sûr, ce sera en 2
étapes que nous rejoindrons le touristique village au paysage
kartistique et la petite ville de Vieng Thong, à mi chemin, sera
idéale pour faire escale et faire souffler notre monture. Nous voici
donc repartis dans les territoires montagneux du Laos.
Le début du voyage se passe bien et les collines verdoyantes
encadrent les rizières éclairées par les rayons du soleil. Le peu
de véhicules à deux ou quatre roues rajoute au plaisir de circuler
dans ces terres si sauvages et si peu peuplées. Une cascade fait son
apparition dans le paysage et une pause découverte s'impose. Nous
prenons le temps de l'admirer et de monter le chemin qui mène à ses
différents niveaux. Les pluies de ces derniers jours lui donnent de
la beauté et le sommet semble toujours plus haut et inaccessible
malgré les aménagements réalisés par les habitants du village
voisin, conscients de leur trésor touristique. Quelques clichés
pour immortaliser l'instant et nous reprenons notre route. Peu à peu
les dénivelés se font de plus en plus présents et de plus en plus
forts. La route de crête est magnifique et au milieu d'une
végétation luxuriante nous gravissons montées sur montées. Plus
nous nous enfonçons dans ce paysage d'éden perdu, plus nous nous
sentons seuls au monde. Pas un village, pas un véhicule...juste le
vert des bambous....du vert rien que du vert et la route qui ne cesse
de monter. Titine souffre, s'essouffle, cliquette et
surchauffe...mais notre première galère vient du câble d'embrayage
qui cède soudainement. Nous ne sommes pas au Vietnam et aucun
garagiste en vue. Denis répare en y faisant un nœud et nous
reprenons notre route. Mais les dénivelés semblent nous défier et
les pentes sont inimaginablement raides (entre 10% et 15%) et
longues. Ici les lacets n'existent pas ! Nous nous arrêtons
plusieurs fois pour laisser Titine se reposer, refroidir et lui
remettre de l'huile qu'elle consomme de plus en plus. Même en
première l'exercice devient difficile et nous commençons à douter
de sa capacité à nous mener jusqu'à Vieng Thong. L’inquiétude
nous gagne et le temps passe..notre vitesse de croisière étant
devenue très faible. Nous comptons les kilomètres en espérant la
descente et je me penche sur l'avant dans l'espoir inconscient et
naïf d'aider Titine à avancer. A environ 25 km de notre
destination et au beau milieu de la ZNP(zone nationale protégée) de
Nam Et , Titine s'arrête dans un dernier souffle...Il est 17h, la route
est déserte et depuis quelques heures nous n'avons pas croisé âmes
qui vivent. La forêt nous entoure à perte de vue et « cerise
sur le gâteau » les premières gouttes de pluie font leur
apparition. Mais qu'allions nous faire dans cette galère !!
Juste le temps d'enfiler les ponchos de pluie et de protéger nos
bagages que les nuages menaçants sont emportés au loin. Nous
évitons donc la douche et après 15 minutes de pause forcée, à
notre grand soulagement, Titine redémarre . Mais le dénivelé est
si important à cet endroit que c'est à pieds que je le monte
soulageant ainsi notre vieille monture de mes 55 kilos. La chance est
avec nous et le reste du trajet n'est plus que descente. Le panneau
de Vieng Thong apparaît enfin et nous sommes heureux et surpris d'y
être arrivés.. ! Petite ville de 4000 habitants entourée de
rizières, la bourgade est la base idéale pour explorer la ZNP mais
si perdue et éloignée de tout, nous ne croisons aucun touriste.
Notre guesthouse est agréable et donne sur le vert étincelant des
champs de riz. Nous sommes fatigués et perplexes . La suite du
voyage est incertaine : Devons nous abandonner notre moto ici et
reprendre le chemin en bus ? Titine sera t'elle capable
d'affronter les prochains 150km ? Nous décidons de prendre une
journée de repos et de nous laisser le temps de la réflexion.
Ballade bucolique à travers la campagne environnante et visite
des sources thermales sont au programme du jour. Les bassins de
baignade des sources chaudes sont vides en cette basse saison mais
nous longeons le chemin qui mène à son origine à travers un joli
jardin de fleurs et d'arbustes. La vapeur qui s'en dégage donne une
ambiance particulière et l'odeur de souffre nous envahit petit à
petit. Derrière, une forêt école nous laisse apprécier de grands
arbres majestueux et un chemin frayé à travers la jungle de bambous
nous permet de nous enfoncer dans le cœur de cette végétation
tropicale. Le chant des insectes et le bruit de l'eau sont les seuls
signes de vie. Jamais je n'avais vu des bambous aussi denses et hauts
et ici au milieu de ces végétaux la chaleur est plus supportable.
La campagne est agréable mais il nous faut prendre des décisions.
Notre tour des garagistes du coin est infructueux..il faut changer le
moteur et ils ne peuvent rien pour nous. Le bus est rare et les
horaires incertains dans ces contrées et notre coup d’œil sur
google map pour apprécier les dénivelés du trajet finissent par
nous convaincre de reprendre la route avec notre fidèle moto...
Quitte ou double !!
Ce matin là, nous partons tôt pour pouvoir s'arrêter
régulièrement et éviter ainsi à Titine la surchauffe. Dés la
sortie du village nous attaquons les montagnes et au bout d'une
dizaine de kilomètres elle s'arrête en pleine montée. Là, nous
pensons avoir jouer la mauvaise carte, Denis change la bougie, remet
un peu d'huile et nous patientons... Le moteur repart et Titine
semble avoir repris de l'énergie. Le paysage matinal est enchanteur
avec la brume qui s'élève et s'incruste dans chaque recoin des
montagnes nous donnant ainsi l'impression d'être au dessus des
nuages. Les dénivelés sont certes conséquents mais heureusement
moins puissants qu'à notre dernière étape et nous avançons
doucement mais sûrement. Nous traversons de nouveau quelques
villages perchés sur les crêtes avec ses maisons en bambou, bois et
palme. Connaissant mieux le pays nous avons maintenant prévu de quoi
nous restaurer, bananes et beignets achetés sur le marché avant le
départ font notre bonheur. Le ciel est menaçant mais nous devançons
toujours les gros nuages noirs. Titine est vraiment en très mauvais
état et les arrêts sont nécessaires pour la faire redescendre en
température. Nous approchons de notre destination finale quand de
nouveau notre monture montre des difficultés à gravir cette
dernière pente et finit par stopper. Ouvrant le réservoir d'huile
pour en vérifier le niveau une fumée s'en échappe..Il ne reste
plus maintenant qu'à patienter et à espérer. Au bord de la route,
à la sortie du village, nous observons une jeune femme donnant le
bain à son bébé dans une cuvette. La grande sœur veut ,elle
aussi, en bénéficier et profitant de l'absence de sa mère et de la
place libérée, elle essaye de rentrer toute habillée dans la
bassine. Le jeu nous amuse... les villageois sont intrigués de cet
équipage et nous saluent discrètement. La femme portant maintenant
son enfant dans le dos et son mari viennent à notre rencontre. Ils
comprennent que nous avons des ennuis mécaniques et avec des gestes
et quelques mots de laotien ils nous expliquent qu'il ne reste que 3
kilomètres de montée avant la descente jusqu'à Nong Khiaw. Le
jeune homme est admiratif de notre moto...et ils restent avec nous
jusqu'au moment où de nouveau le moteur veut bien repartir. Nous
finissons de gravir la montagne et en effet nous trouvons très vite
la descente de 25 km qui nous mène à notre destination. Le paysage
change et les collines verdoyantes sont remplacées par des falaises
karstiques abruptes. Située sur les rives de la Nam Ou , Nong Khiaw
est une bourgade de 3000 habitants. Le décor est magnifique et le
pont reliant les 2 rives nous offre un superbe
panorama sur les à pics calcaires . Le village est très
touristique et les bungalows ont fleuri tout le long de la rivière.
Nous trouvons donc facilement une guesthouse et un bungalow dans un
joli parc ayant vue sur la Nam Ou. La pluie finit par conclure cette
journée bien remplie .
Les coqs se promenant autour de notre logement nous sortent des
bras de Morphée, ils se répondent à tour de rôle et picorent
joyeusement les bananes tombées au sol. Mais c'est sans compter sur
Denis qui s'empresse de recueillir celles non abîmées que nous
dégustons comme petit déjeuner, dessert et en-cas . Le ciel est
toujours menaçant et nous flânons tranquillement, entre deux
averses, dans les 2 seules rues de la petite ville. L'ambiance y est
spéciale et tout semble tourné vers le tourisme. Malgré la basse
saison nous croisons plus de touristes qu'à Sam Neua capitale de
province et les restaurants sont chers et de piètre qualité . Vu le
temps, les visites de grottes et de chutes d'eau sont à proscrire et
nous profitons simplement d'admirer la rivière et ces géants de
pierre qui nous rappellent ceux vus au Vietnam. Les longs bateaux
bleus alignés le long des berges et toute la vie autour renforcent
la superbe de la Nam Ou. Nous nous faisons une joie de naviguer au
Laos dans ce pays si sauvage et aux fleuves si magiques. Cela fait
partie des choses que nous voulions faire et dont nous rêvions
depuis longtemps. Mais l'expérience ne se fera pas..la liaison
fluviale entre Nong Khiaw et luang Prabang ne se fait plus depuis 6
mois, des barrages ayant été construits sur la rivière. La
déception est grande et nous n'avons pas le choix, Titine doit
encore nous transporter les 150 km restants... mais ça c'est une
autre histoire.
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