Ce matin c'est l'heure de vérité et nous allons enfin savoir si
nous pouvons passer au Laos avec notre moto... Le poste frontière
est encore plus petit qu'à Dien Bien Phu. Quelques vietnamiens et
laotiens chargés de marchandises y passent à pieds . Pas de voiture
de particulier et pas un touriste...à part nous bien sûr ! Et
c'est sans difficulté et contre 20 dollars que nous obtenons le visa
de passage pour notre Titine. C'est donc avec soulagement, le sourire
aux lèvres et sans marchander que nous entrons au Laos.
Notre prochaine destination Sam Neua se trouve à environ 80
kilomètres de là...et les montagnes sont toujours présentes. Le
paysage se différencie du Vietnam par ces monts recouverts
littéralement de jungle dont d'immenses bouquets de bambous semblent
engloutir arbres et toutes autres végétations. Chaque parcelle de
plat est mise en valeur par la culture du riz et au milieu de ces
rizières des petits abris de bambous permettent aux habitants de se
reposer et de s'abriter du soleil. La route est en bonne état
(meilleure que la dernière faite au Vietnam) et peu de véhicules
circulent. Nous traversons de nombreux villages signalés par un
panneau avec leur nom respectif au contraire de leurs voisins qui
indiquent simplement l'entrée dans une bourgade sans jamais préciser
laquelle( ce qui complique souvent les choses et nous obligeait à
épier les devantures des magasins pour savoir où nous nous
trouvions). Constitués seulement de quelques maisons sur pilotis les
enfants y courent et s'amusent au bord de la route tandis que
volailles et chiens traversent tranquillement la chaussée. Quelques
point d'eau à ciel ouvert servent de salle de bain commune et grands
et petits y font leur toilette. Ici pas de béton, au mieux les
habitations sont en bois, ici pas de gargote pour se désaltérer ou
se restaurer, pas de magasins, ici même l'électricité est absente
et très peu de véhicules sont présents. Les villages semblent
perdus dans ces montagnes de forêts et à part les rizières nous ne
voyons aucune autre culture. Le pays est bien plus sauvage, plus
pauvre et plus calme que le Vietnam que nous venons de quitter.
Malgré le changement d'ambiance Titine a toujours autant de mal à
gravir les pentes et l'air laotien ne lui a pas donner des ailes.
Mais nous arrivons sans encombre à bon port.
Sam Neua est la capitale de province la moins visitée du Laos et
la ville en elle même n'a pas beaucoup de charme. Entourée de
rizières les maisons de béton sont cependant plus sympathiques (
moins étroites et hautes) que celle du Vietnam et les larges avenues
semblent désertiques. Malgré le peu de passages de touristes nous
trouvons facilement un hôtel confortable mais où le personnel ne
parle pas un mot d'anglais. Il nous est plus difficile de trouver un
restaurant et après quelques tours en moto dans la bourgade nous
optons pour le karaoké proche de notre logement qui distille depuis
l'après midi les tubes à la mode...nous sommes le 21 juin et
voulons nous aussi faire la fête de la musique. Déjà de nombreuses
tables sont occupées et les caisses de bières vides s'accumulent à
leurs pieds. Seuls étrangers notre arrivée fait sensation . Le menu
est en laotien, l'écriture est jolie mais incompréhensible pour
nous et les serveurs ne parlant pas l'anglais ne nous sont d'aucun
recours. Muni de notre guide et avec l'aide de quelques clients nous
parvenons à commander un « fried rice » et 2 « lao
beer » la plus célèbre des bières du pays servie en
bouteille de 560 ml avec des glaçons et pour le prix dérisoire de
un euros. Bien vite les laotiens, curieux de faire connaissance et
parlant quelques mots d'anglais viennent s’asseoir à notre table,
ils nous offrent de nombreux verres et nous trinquons à la mode
laotienne. L'ambiance est chaude , les gens parlent fort et chacun à
tour de rôle prend le micro pour chanter. La soirée révèle de
grands talents et aussi de vraies catastrophes mais pas
d'applaudissement ni de moquerie le plaisir de chanter étant leur
seul leitmotiv. Dés notre repas terminé nous sommes invités à
d'autres tables et la bière coule à flot. Nos hôtes désirent nous
voir chanter à notre tour mais heureusement le karaoké ne dispose
d'aucune chanson en français et frustrés de ne pas nous entendre
fredonner un air, ils nous demandent alors de danser un slow sur le
tube romantique du moment . Pour eux, c'est l'exotisme au complet et
voir un couple s'enlacer reste un phénomène un peu
extraterrestre...les yeux s'écarquillent et nous sentons que nous
faisons le spectacle quand ils scandent le rythme en frappant des
mains. Ce sont des images qu'ils n'ont vu que dans les films
occidentaux, les laotiens ne se touchent pas quand ils dansent et ces
gestes d'affections ne sont autorisés que dans l'intimité. Mieux
qu'une chansonnette nous leur offrons un petit bout d'un Paris
imaginé et fantasmé. Le succès est donc garanti et les
applaudissements concluent la « performance »...Surprenante
fête de la musique ! Certes il y a de la musique et de l'alcool
mais tous le monde reste sagement assis. Et c'est tout guilleret que
nous rentrons à l'hôtel heureusement très proche. Pour cette
première journée le Laos et les laotiens nous ont superbement et
agréablement accueillis.
La saison des pluies en cette fin juin s'intensifie nous obligeant
à repousser notre visite, à 30 km de là, aux grottes de Vieng Xai
témoignage émouvant des heures sombres de l'histoire du pays. Nous
prenons donc le temps de nous reposer mais aussi de flâner dans la
ville avec visite de ses marchés et de ses 2 temples. La citée est
agréablement paisible et c'est bien plaisant après ce tourbillon de
vie et de bruit vécu au Vietnam. Mais Sam Neua reste surtout le lieu
d'une superbe rencontre et la naissance d'une grande amitié.
Dimanche matin, alors que nous prenons notre petit déjeuner une
jeune femme française nous aborde. Notre Titine garée devant le
restaurant l'intrigue, possédant la même elle désire connaître
les propriétaires. Et c'est le début de grandes conversations
accompagnées de bières « lao ». Sara travaille depuis
3 ans au Laos pour une ONG en tant qu'agronome et s'occupe de la
gestion du bambou. Sympathique et formidable personnalité qui est
rentrée l'année dernière de Sam Neua en France avec son vélo en
bambou fait maison. Elle nous apprend beaucoup de choses sur le pays
et nous passons de merveilleuses soirées en sa compagnie. Elle nous
fait aussi découvrir le « hot pot » et la façon de le
manger. Le restaurant est entièrement dédié à ce plat très
apprécié des locaux. Les tables sont trouées à leur centre pour
accueillir l'ustensile nécessaire à cette sorte de fondue barbecue.
Dans un premier compartiment on met les braises, au dessus un
réceptacle en forme de chapeau accueille un bouillon où légumes et
pâtes de riz vont cuire tandis que le haut bombé permet de faire
frire viandes et poissons. Une succulente sauce épicée à la
cacahuète est là pour tremper à volonté tous les ingrédients
cuits. Un vrai régal !! La soirée en compagnie de Sara et de
ses collègues est une réussite et avant de nous quitter nous
échangeons numéro de téléphone, adresse mail et nous nous
promettons de nous revoir en Nouvelle Calédonie...Eh oui le hasard
fait bien les choses. !! Sara part début août avec son nouveau
vélo en bambou sur l'île. Nous sommes heureux de ce prochain rdv
et si vous désirez découvrir les aventures de notre nouvelle amie,
allez jeter un coup d’œil à son blog : bamboosara. Une belle
âme à suivre et à encourager !!
Mais la ville nous réserve d'autre surprise. Au centre un grand
bâtiment flambant neuf semble désertique et toujours fermé mais ce
soir là tous les habitants s'y sont donnés rdv. L'agitation nous
intrigue et le serveur du restaurant nous indique avec ses quelques
mots d'anglais qu'il y a un meeting et que nous pouvons y aller sans
problème. Aussitôt dit, aussitôt fait et nous comprenons vite que
nous entrons dans une grande et superbe salle des fêtes où se donne
un spectacle de danses et de chansons. Bien sûr, nous sommes les
seuls étrangers et quelques enfants en oublient de regarder la scène
et se tordent le cou pour mieux nous examiner. La sono est saturée
mais la salle remplie est indisciplinée, parlant et se levant
régulièrement de leurs sièges pendant que chanteurs et danseurs se
produisent. Danses traditionnelles mais aussi racontant l'histoire du
pays se succèdent avec à notre grand étonnement les hommes en
habit militaire effectuant pas de danse et fredonnant des chansons
d'amour. Denis fait des photos mais l'éclairage et la grandeur de la
salle lui rendent le travail difficile et il finit par se rapatrier
au premier rang et par faire des vidéos. Malgré l'apparente
insouciance du public, les salves d'applaudissements fussent à la
fin de chaque numéro, il est vrai que les divertissements sont rares
dans la région.
Le temps s'améliorant nous pouvons enfin envisager notre visite
aux grottes de Vieng Xai. Le trajet se fait bien même si la santé
de Titine nous inquiète de plus en plus. Le site est magnifique et
les falaises karstiques sont de toute beauté . Accompagnés d'une
guide et d'un audiophone qui nous relate l'histoire des habitants et
du politbureau réfugiés dans ces grottes nous découvrons une page
d'histoire inconnue de nos livres scolaires. Guerre secrète menée
par les États – Unis cette région fût bombardée inlassablement
pendant 7 ans et afin d'échapper à ce déluge les chefs politiques
puis les habitants se réfugièrent dans les grottes. Les 450
cavernes abritèrent plus de 23 000 personnes et furent aménagées
et organisées pour que les gens puissent y vivre à peu près
« normalement ». Peu d'aménagements restent de cette
époque mais le récit et les témoignages des rescapés sont
émouvants et troublants. Bureaux, imprimerie, hôpital,caserne,
artillerie et même salle de spectacle composent les principales
grottes que nous visitons. Telle une cicatrice indélébile, les
cratères des bombes sont toujours visibles malgré la luxuriance de
la végétation. Les 3 heures d'explorations des différents sites
nous laissent sans voix et la gorge nouée. Nous prenons conscience
de ce qu'a enduré ce pays et les ravages que continuent à faire
les millions de tonnes d'engins explosifs déversés sur le Laos (2
tonnes par habitant soit une bombe toutes les 10 minutes pendant 7
ans). Instructif et émouvant nous ne regrettons pas d'avoir
patientés pour visiter ces grottes mais le temps presse et nous nous
sommes suffisamment attardés à Sam Neua . Il nous faut maintenant
rejoindre le village de Nong Kiaw. Une étape sera nécessaire et
nous ferons halte à Vieng Thong... mais ça c'est une autre
histoire.
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