Déjà mi juin et il nous faut maintenant penser à rejoindre le
Laos ...Ce matin nous prenons la direction de Dien Bien Phu en
espérant y passer la frontière mais les informations données par
nos amis suédois de Ha Giang ne sont pas très bonnes. Motorisés,
ils se sont vu refoulés au poste frontalier en raison de
l'immatriculation de leur moto mais nous persistons dans notre idée
et espérons en notre bonne étoile. Par contre nous changeons notre
itinéraire, la route principale menant à Lai Chau est impraticable,
un éboulement de terrain la bloquant et l'autre voie d'accès
n'étant qu'une piste boueuse nous abandonnons le chemin longeant la
frontière chinoise et nous passerons par la route, plus intérieure,
qui traverse le parc de Hoang Lien. Environ 250 km nous séparent de
notre destination finale et une étape sera donc nécessaire.
Mais pour l'instant direction la plus haute route du pays avec
l'ascension du col de Tran Tom à 1900 mètres d'altitude...Notre
départ se fait dans la grisaille et la brume. Sur les 19 km de
montées Titine s'essouffle et le brouillard, la pluie et les vents
violents sont de plus en plus présents, nous privant ainsi de la vue
spectaculaire promise. De nombreuses cascades déferlent des hauteurs
dont celle de Thac Bac (cascade d'argent) mais la pluie nous fouette
le visage et la visibilité est pratiquement nulle et nous
abandonnons l'idée d'une visite. Le froid se fait sentir et Titine
rugit sous les efforts, c'est donc avec regrets et soulagements que
nous entamons la descente . Dés le col passé nous retrouvons
soleil et route sèche, ce versant est bien plus accueillant et nous
quittons pulls et ponchos de pluie.
Nous suivons ensuite une route de plaine avec ses champs de thé à
perte de vue et ses petites mains récoltant minutieusement les
précieuses feuilles. La géométrie des plantations confère une
beauté particulière au paysage et les enfants nous saluent sur
notre chemin. Notre trajet est aisé et nous arrivons avant midi dans
la petite ville où nous voulions faire étape. Le temps d'un bon
« com rang » (fried rice) accompagné d'un bouillon
délicieusement parfumé et nous décidons de reprendre le voyage et
d'avancer davantage vers Dien Bien Phu. Mais il nous faut trouver la
fameuse route 279 traversant le parc Hoang Lien....notre carte n'est
pas assez précise et nos repères sur google map s'avèrent
insuffisants...et malgré des allers retours dans la ville et nos
demandes fréquentes aux habitants nous ne dénichons pas
l'embranchement. Résignés, nous poursuivons notre chemin mais à
une dizaine de kilomètres de là, la 279 apparaît telle un miracle
que nous n'espérions plus...La route semble difficile et son début
n'est qu'une piste de terre où les engins de travaux du barrage ont
marqués le sol d'ornières impressionnantes. Les dénivelés sont de
retour et la boue est notre premier ennemi. Mais Denis et Titine s'en
sortent bien en moto cross et après quelques kilomètres le goudron
est de nouveau présent. Perdus au milieu de ces montagnes, seulement
quelques maisons, chèvres et vaches témoignent d'une présence
humaine. Éparpillées au bord de la route les habitations
traditionnelles sur pilotis semblent accrochées aux falaises et
n'affichent aucun confort moderne. Ici la vie est rude, coincés
entre la route et les collines il n'y a pas de place pour les
cultures. Au fil de notre progression le décor devient plus
familier : villages, rivières et rizières nous accompagnent de
nouveau. Soudain en cette fin d'après midi le spectacle nous coupe
le souffle. Là, s'étale devant nous un lac artificiel niché entre
les montagnes. Les couleurs de ces terres émmergées, de l'eau et de
la végétation nous laissent sans voix. Le spectacle est magnifique
et nos photos nous semblent bien pâles face à cette vision aux
teintes un peu surréalistes. Mais nous n'oublions pas que cette
création de l'homme engendre aussi de nombreux problèmes
écologiques et sociaux avec destruction du milieu naturel et
déplacement de populations. La beauté elle aussi peut avoir son
côté sombre et rajoute un goût d'amertume à la fascination de ce
paysage. Partagés entre « que c'est beau !» et «
mais qu'est ce qu'ils ont fait ! » nous reprenons notre
route à la recherche d'une guesthouse pour passer la nuit qui
approche. C'est dans la petite bourgade de Phieng Lam, entourée de
montagnes, que nous nous arrêtons. La pension a du style vu de
l'extérieur. Maison en bois aux multiples toits nous en sommes les
seuls clients... mais la chambre est très défraîchie et offre un
confort spartiate. Suffisant cependant pour nous « décrotter »
et nous reposer avant la reprise de notre chemin.
Il nous reste 80 km à faire pour rejoindre Dien Bien Phu et après
notre café matinal, le regonflage du pneu arrière et la vidange
pour titine nous voici prêts à reprendre notre route.
C'est de nouveau par d'importants dénivelés que nous commençons
la matinée. Peu à peu nous grimpons, nous permettant ainsi
d'admirer la vue du plateau et son chapelet de montagnes qui
l'entoure. Mais bien vite le goudron disparaît ne laissant qu'une
piste bosselée et raide à la place. La conduite est ardue et
quelques grandes flaques de boues avec ornières nous crépissent de
terre de la tête aux pieds. Arrivés dans la bourgade la plus
importante du coin une pause s'impose pour détendre bras, cuisses et
postérieurs...A peine installé, un homme d'une soixantaine années
s'invite à notre table pour faire connaissance. Ne parlant pas
l'anglais, c'est par gestes et sourires que nous communiquons et
qu'il nous explique les coutumes de l'ethnie présente ici. Les
femmes portent de longues jupes droites et noires et celles mariées
sont coiffées d'un haut chignon au sommet du crane. Et c'est avec
amusement que nous les voyons passer en scooter le casque
comiquement surélevé du fait de leur coiffure particulière.
L'arrêt fait du bien et c'est avec plaisir que nous retrouvons
l'asphalte et la grande route du sud menant à Dien Bien Phu. Nous
serpentons entre les montagnes en suivant la rivière mais le temps
est incertain et devint de plus en plus menaçant. A 15 km de notre
destination nous nous arrêtons pour nous protéger de l'averse qui
commence. Regardant les gouttes tombées, nous apercevons un panneau
indiquant le lac Pa Khoang et la promesse d'une guesthouse au bord de
l'eau. Le hasard fait bien les choses … et si nous trouvons une
chambre en pleine nature pour finir notre escapade au Vietnam nous
serions les plus heureux. Nous nous engageons donc sur cette petite
route en pleine forêt qui fait le tour du lac. Jolie promenade d'une
trentaine de kilomètres où nous trouvons enfin la pension indiquée
à l'embranchement mais la chance n'est pas avec nous. Il faut se
rendre à l'évidence : nous logerons ce soir à Dien Bien Phu, la
guesthouse étant en cour de construction! Comme souvent au Vietnam,
on met d'abord l'enseigne et on monte les murs ensuite. Dommage, le
calme et le chant des oiseaux nous enchantaient déjà.
Dien Bien Phu est une ville sympathique et agréable. Située sur
une plaine aride entourée de montagnes couvertes de jungle le
principal attrait touristique de la citée reste les monuments et
vestiges de la guerre. Les collines, nommées par les français par
différents prénoms de femme, sont les témoins des durs combats
d'il y a 60 ans. Au sommet de « Dominique » un monument
commémore la victoire du Vietnam et la fin de la guerre d'Indochine.
Nous y accédons par un escaliers de 400 marches environ et profitons
ainsi du panorama sur la ville et ses alentours. En bas sur la place
une gigantesque fresque taillée dans la pierre retrace les
événements de ces batailles. Mais la chaleur et les averses sont
intenses à Dien Bien Phu et nous n'explorerons pas plus loin la
funeste histoire de la ville préférant déguster tranquillement un
milk shake à la mangue à la terrasse des bars ou encore goûter aux
succulents « com rang » de notre cantine préférée.
Le séjour est agréable mais il nous faut penser à passer la
frontière à 34 km de là et nous mettons toutes les chances de
notre côté en faisant faire une beauté à notre « titine ».
Elle brille du clignotant au rétroviseur et après la boue des
derniers jours ça ne lui fait pas de mal. La voici donc prête pour
le grand jour, demain direction Tay Trang et à nous le Laos ….mais
ça c'est une autre histoire.
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