Nous voici donc prêts à quitter le Pérou et à savourer l'été
en terre patagonne mais avant, nous devons descendre les 3500 kms
séparant Lima de Santiago et affronter nos plus longs trajets en bus
de tout notre voyage. 23 heures pour notre première étape jusqu'à
Tacna d'où nous prenons un « colectivo » pour Arica
(Chili) où nous arriverons 2 heures plus tard . Là, un repas à une
table, une bonne douche et un vrai lit nous attendent pour une nuit
de repos . Et le lendemain matin, nous repartons pour 35 heures de
bus jusqu'à Santiago . Une épreuve qui se révéla plus aisée et
supportable que prévue... Les sièges « salon cama »
peuvent s'allonger complètement et permettent de dormir
vraiment...Grignoter, manger, regarder la télé, rêvasser en
admirant le paysage, sommeiller, dormir, se dégourdir les jambes et
fumer sa cigarette pendant les arrêts sont nos principales
activités. La musique d'Asaf Avidan m'accompagne pendant ces longues
heures d'inertie si propices à la rêverie et je bénis encore mes
collègues de travail qui m'ont offert ce mp4 avant mon départ.
Finalement, le temps s'écoule, les kilomètres s'enchaînent et
c'est en pleine effervescence que la capitale nous accueille. Moins
de 20 jours avant Noël, la foule s'est emparée des centres
commerciaux et des festivités se préparent dans les rues
avoisinantes de notre logement. Le retour de la gare routière est un
véritable parcours du combattant et le métro un défi physique pour
se faufiler dans si peu d'espace avec son gros sac à dos. Mais en ce
soir du 07 décembre nous voici donc revenus à notre point de
départ.
Ces 2 jours sur la capitale nous permettent de prendre du repos et
d'effectuer les démarches nécessaires à la suite de notre voyage.
L'île de Pâques est un rêve bien ancien....et malheureusement
elle le restera. Le prix des billets est excessif ( 1000 euros /
personne) et hors de notre budget. C'est donc le cœur gros que nous
renonçons à aller admirer les Moais . Une étape de plus à mettre au
placard des regrets et une raison de plus pour revenir sur ces terres
lointaines.
Par contre, la chance nous sourit pour la réservation de notre
croisière dans les fjords de Patagonie. Nous allons directement au
bureau de la compagnie Navimag à Santiago. Là, nous sommes
chaleureusement accueillis mais la catégorie de cabine désirée
n'est plus disponible. Sans hésiter, l'employée nous propose un
sur classement et pour le même prix nous voyagerons dans une cabine
avec hublot et lavabo. Billet de bateau en main nous pouvons
poursuivre notre descente et notre prochaine étape Pucon en
Araucania se situe à plus de 700 kms de là .
10/12 – 17/12 : Pucon
La région de l'Araucania avec ses lacs, ses volcans, ses
cascades, ses sources chaudes et ses parcs nationaux est propice à
l'immersion en pleine nature et aux différents sports d'aventure.
Notre point de chute, Pucon est situé sur les rives du lac Villarica
avec en toile de fond le volcan du même nom au sommet enneigé.
Ancienne villégiature huppée où de nombreux touristes viennent
profiter des atouts de la région, nous ne désirons pas loger
directement en ville et c'est à 4 kms de là que nous prenons nos
quartiers.
C'est encore la basse saison et Solange la propriétaire
de « los Gualles de la Candelaria » nous loge dans son
plus grand appartement ( encore un sur classement). Le logement est
très confortable, la cuisine parfaitement équipée et Solange une
vraie mère pour nous.
La maison en bois est entourée d'un jardin où
fleurs et arbres s'épanouissent. Au dessus, une piscine extérieure
offre, en cette saison, la possibilité d'un bain glacé et une jolie
vue sur le lac d'où l'on peut admirer le coucher du soleil.
Nous
nous sentons bien dans cet environnement et Susu la petite chienne
des lieux assure merveilleusement son rôle de relation publique, .
Seul bémol au tableau : la route qui nous sépare des berges du
lac. Très fréquentée, elle distille un bruit constant . Mais
installés à l'ombre des Hualles ( grand arbre à feuille caduc ) et
entourés d'une végétation luxuriante, nous profitons un maximum du
lieu intégrant inconsciemment cette rumeur urbaine.
Notre éloignement de la ville n'est pas un problème, des bus
passent toutes les 15 mm et nous amène jusqu'à Pucon.
La ville est joliment et richement aménagée...Tout y est fait
pour le tourisme : son petit port sur les rives du lac, ses
plages, ses restaurants, bars, magasins d' articles de sport de luxe,
hôtels, pensions, supermarchés ainsi que ses nombreuses agences de
tourisme proposant une multitude d'activités sont là pour
satisfaire un public hétéroclite. De la visite des sources chaudes
à l'ascension du volcan en passant par du rafting sur les rivières
environnantes, de l'équitation, du canyoning, etc.... ici tout est
possible, la nature est un grand terrain de jeux.
L'offre
d'hébergement est impressionnante en ville ainsi que tout le long du
lac où complexes hôteliers et « cabanas » (maison de
bois indépendante) attendent l'été et son afflux de touristes.
Bien sûr, notre hébergement est plus cher qu'une simple chambre sur
Pucon mais vu les prix excessifs des restaurants il est finalement
plus économique de pouvoir se faire la cuisine. Et je retrouve avec
plaisir les petits plats de Denis, les salades avec de savoureux
avocats et nos premières fraises, myrtilles et framboises. Un délice
dont nous nous régalons quotidiennement !
Que cette terre Mapuche est belle ! De climat tempéré, sa
végétation en est moins exotique et les maison de bois, ses forêts
pourraient nous faire penser à un petit coin d'Europe . Mais le bleu
des lacs, l'eau cristalline des tumultueuses rivières, la silhouette
imposante des volcans, les plages de sable noir, les coulées de lave
recouvertes de son tapis végétal spécifique et bien sûr son arbre
symbole l'Araucaria en font un territoire unique et riche.
Les mapuches, principal groupe ethnique indigène du Chili,
combattent encore pour conserver ou retrouver ces terres que les
envahisseurs successifs se sont appropriés tout au long de
l'histoire. Malgré une reconnaissance juridique internationale, les
mapuches sont toujours en résistance et victimes de violations des
droits de l'homme.
A Pucon, nombre de chiliens affichent cependant un faciès, plutôt
européen, même tendance germanique. Comme Solange, notre logeuse,
au prénom français, beaucoup de locaux ont des ancêtres allemands.
Au début du XX siècle, l'état chilien entame une politique de
colonisation de cette région et cède des terres aux migrants
d'origine germanique uniquement, donnant ainsi ce petit air de
Bavière à la région. Grande femme blonde aux yeux bleus et aux
taches de rousseur parlant en espagnol avec de grands gestes, Solange
en est l'exemple type : un physique européen du nord au
caractère latino bien trempé. Un peu déroutant au début mais
cependant charmant pour nous simples voyageurs !
Nous avons donc une semaine pour explorer cette région aux
multiples trésors et nous commençons par satisfaire notre envie de
ballade équestre qui nous tenaille depuis un moment . Le temps et le
paysage sont propices à ce genre d'activité.
C'est accompagnés de deux autres touristes allemandes et de nos
deux guides que nous partons pour 4 heures de ballades à travers ces
terres mapuches. Denis, seul homme de ce petit groupe est coiffé de
son chapeau de Puno et affiche un grand sourire... Il est vrai que
l'instant est magique … et malgré mes appréhensions de débutante
je me laisse aussi gagner par ce simple bonheur . Sensation de paix
et de liberté ! L' harmonie est totale, le moment privilégié,
les paysages magnifiés.
Au pas, au trot et même au galop (bon ! j'avoue Peppers mon
cheval ne m'a fait galoper qu'une seule fois et sur quelques mètres
seulement, il est docile mais aussi très pépère!) nous suivons la
rivière, traversant des prairies, grimpant des collines, entrant
dans un labyrinthe de sous bois à la végétation et aux branches
malicieuses, admirant volcans, lacs et forêts. La région n'est pas
inhabitée et de nombreuses maisons de plain-pied en bois abritent
les familles mapuches. Là bas, un chien mène un troupeau de moutons
à son enclos ; ici deux chevaux galopent jusqu'à la clôture
pour mieux nous voir ; un peu plus loin un petit rapace, peu
farouche, s'amuse à nous regarder passer puis à nous devancer de
nouveau.... Vous l'avez compris, un pur moment de bonheur sur ces
terres où la nature, une fois de plus, fait preuve de génie. Un
pays de légendes et de dieux dont les mapuches respectent, vénèrent
et protègent chaque élément .
Pour une première fois, je ne pouvais rêver mieux et restent,
malgré les douleurs des fessiers, un merveilleux souvenir, quelques
photos et une grosse envie de renouveler l'expérience.
Nous louons quelques jours un véhicule pour être libre
d'explorer les alentours et munis de la carte fournie par notre
hôtesse nous partons vagabonder entre volcans et lacs à la
recherche de cascades et sources chaudes.
Direction nord Est pour commencer avec le lago Caburgua et sa
ravissante playa blanca dont la blancheur contraste avec le sable
noir d'origine volcanique, si commun dans cette région. L' endroit
est charmant et paisible. Le lac est entouré de montagnes avec au
loin la silhouette imposante des volcans. Ses eaux calmes sont une
invitation aux loisirs nautiques : canoë, pédalo et baignade
occupent déjà les quelques touristes chiliens venus profiter des
premières chaleurs de cette fin de printemps.
Le village de Caburgua
s'étale le long des rives mais s'agrippe aussi aux pentes
environnantes. Ici le bois est le matériel privilégié pour toutes
les constructions et même les églises n'échappent pas à la règle.
Nous y admirons notre première église entièrement en bois....une
première certes... mais pas la dernière dans notre périple au Sud
Chili.
La forêt recouvrant les collines alentours abritent « cabanas »
et terrains de camping encore désertés en cette saison mais le peu
d'affluence donne à ces lieux plus de charme et de tranquillité.
Nous nous laissons bercer par cette douceur de vivre et les petits
plaisirs du moment profitant ainsi des trésors culinaires faits et
vendus par les habitants le long de la route. La tarte aux framboises
fait encore pétiller de gourmandise les yeux de Denis !
Avec notre vieille Fiat Uno rayée et cabossée, nous n'hésitons
pas à explorer les environs et à emprunter routes secondaires et
pistes . Pas d'angoisse de rajouter une bosse ou une rayure à
notre carrosse de location … et bien vite nous comprenons l'état
de notre véhicule !
Ici seules les grandes routes sont
asphaltées, les autres étant, elles, recouvertes de gravillons.
Panneaux de signalisation, arrêts de bus, habitations aux bord de la
chaussée, traversées de villages, sorties d'école, important
trafic...elles ont tout des grandes, seul le revêtement change.
C'est, par conséquent, à une allure modérée, accompagnés du
bruit des petits cailloux projetés et traînant derrière nous un
nuage de poussière que nous partons pour les sources
« Géométricas ».
Ah la poussière ! Notre pire
ennemie !
Suivre un véhicule est impossible, en croiser un relève du concours
de rapidité dont l'enjeu est de remonter nos vitres avant l'arrivée
du terrible nuage mais finalement ce petit défi nous amuse
beaucoup..( eh oui nous sommes toujours de grands enfants!) Notre
« titine » du moment a des allures de Lilliputien face
aux 4x4, pick-up, camions et bus rencontrés mais avec force cahots
et prudence, elle passe partout et nous permet d'accéder aux
différentes cascades qui longent ce chemin.
C'est le hasard qui nous mène aux pieds de la première... Une
simple pancarte manuscrite nous incite à s'échapper un instant de
notre itinéraire et après quelques kilomètres nous stoppons devant
une barrière . Là, deux ou trois maisons ainsi que bergeries et
poulaillers occupent ce petit plateau verdoyant où la piste
s’évanouit. Mais l'endroit semble désert et seuls coqs et moutons
se préoccupent de notre présence.
Mais bien vite une jeune femme
sort de sa maison, encaisse un modique droit d'entrée et nous
indique le chemin à suivre. Nous descendons un sentier menant à une
petite gorge où les roches grises d'une ancienne coulée de lave se
dressent entre nous et l'eau que l'on entend chanter un peu plus
loin.Nous contournons ou grimpons sur ces rochers de lave... et des
parcelles d'herbe grasse, des bosquets d'arbres et de résineux se
laissent enfin entrevoir. L'eau est de partout, s'infiltrant entre
les pierres pour trouver son passage, imbibant comme une éponge ces
vertes prairies. Pour compléter le tableau, quelques vaches paissent
tranquillement, levant de temps en temps la tête pour nous observer.
La cascade chute d'une cinquantaine mètres et donne naissance à un
ruisseau qui serpente entre ces terres vallonnées. Accrochées à sa
paroi, un tapis de mousse et d'immenses plantes prospèrent dans la
bruine ambiante. Le contraste des couleurs est magnifié par l'eau,
le végétal et le minéral. Le gris de la lave, le rouge du lit de
la rivière et le vert intense des plantes et de l'herbe donnent
l'impression d'une trop forte saturation rendant ce paysage presque
irréel. Il y fait bon s'y attarder cependant et cette ambiance
bucolique est à savourer avec tous ses sens : l'odeur de la
terre humide, les couleurs , le bruit de l'eau et la douceur d'une
prairie bien épaisse.
C'est un style complètement différent qui nous attend quelques
kilomètres plus loin. Ici la chute d'eau est le prétexte à la
pratique du canyoning. Pas de vache, ni d'herbages mais une forêt
aux arbres gigantesques menant à ses pieds et au petit pont d'où
l'on peut pleinement l'admirer sans être complètement trempés. Là
aussi un tapis de buissons et de plantes d'eau lui servent de
chaussettes et la mousse tache par endroit cette paroi vertigineuse
de 100 mètres. Avant de continuer notre route, nous contemplons un
moment la descente en rappel de ce groupe de touristes venus ici
prendre une bonne douche et une bonne dose d'adrénaline.
Un dernier arrêt , une dernière cascade ... et encore un
merveilleux spectacle. Après quelques mètres sous le couvert de
grands arbres, nous poursuivons à travers une végétation dense où
l'eau règne en maître, s'infiltrant et s'écoulant de toutes
parts. Un véritable petit paradis pour ces plantes géantes aussi
hautes que moi et précautionneusement nous marchons sur les lattes
de bois permettant de ne pas trop se mouiller les pieds. Nous sommes
seuls et littéralement submergés par ce vert intense. Le bruit de
l'eau s'intensifie avant même de pouvoir l'apercevoir.
Puis là, la rivière dégringole une première fois formant un
bassin qui à son tour dévale la roche. Une double cascade !
Nous sommes gâtés. Un gros rocher chauffé par le soleil nous sert
d'observatoire mais selon les vents, la bruine change de direction et
nous voici soudain sous cette petite pluie fine rendant notre refuge
glissant tandis qu'un arc en ciel s'amuse à cache cache autour de
nous. Quelques clichés souvenirs et nous reprenons notre route vers
les sources chaudes « géométricas ».
Le Chili compte environ 275 sources chaudes et la région de Pucon
est l'endroit idéal et emblématique pour prendre un bon bain chaud
relaxant. Sa multitude et sa variété de thermes rendent le choix
difficile... mais finalement nous nous laissons tenter par « las
termas geometricas ».
Niché dans un canyon étroit , des passerelles en bois rouges
cheminent à travers la végétation exubérante entourant le cours
d'eau qui passe sous nos pieds. 17 bassins d'ardoise disséminés
tout le long de cette gorge se fondent dans la roche et le vert
intense des plantes tandis que la vapeur émanant de ces piscines
renforce l'ambiance zen des lieux. La température de l'eau varie
entre 36 et 41 degrés et est inscrite sur un petit panneau près de
chaque bain. Nous évitons le bassin d'eau froide et petit à petit
nous nous prélassons dans les plus chauds. Un véritable plaisir,
un instant de relaxation intense....Que du bonheur avec en prime les
thermes pratiquement pour nous tous seuls. Entre deux plongeons nous
déambulons dans ce dédale de roche et de végétal jusqu'à son
extrémité et sa petite cascade. Le lieu est simplement magnifique
et le soleil tirant sa révérence l'embellit de couleurs chaudes et
rosées.
Superbement aménagés et entretenus, les thermes offrent, en
plus, le confort d'un vestiaire avec cadenas et le prêt de serviette
de bain. Un bâtiment de bois sert d'accueil et de bar restaurant.
Ici tout n'est que luxe, calme et beauté....Seul bémol,
le luxe se paye et le prix d'entrée est 2 à 3 fois supérieur aux
autres mais aucun regret, « las geometricas » nous ont
totalement séduit.
Douce errance dans ces territoires...!
Du Sud au Nord en passant par
l'Est nous nous laissons dériver au grès de notre humeur, profitant
un maximum de cette Nature.
Ici pas d'immeuble, ni de « plaza
de armas » mais forêts, lacs, volcans et blancs nuages qui
s'effilochent dans ce ciel si pur, lui donnant ainsi ce petit goût
magique d'infini.
Mais la chanson se termine et... « Ainsi font, font, font...
3 petits tours et puis s'en vont... »
Et c'est le cœur gros et rempli de regrets que nous quittons
Pucon …. Une semaine a exploré cette superbe région....et tant de
choses encore à y découvrir : ses parcs nationaux et sa
végétation exceptionnelle, sa cuisine mapuche ainsi que ces géants
de feu dont la silhouette imposante et leur activité marquent à
jamais ce paysage grandiose.
Bref, notre placard aux regrets se remplit un peu plus... mais
Noël approche à grands pas et nous avons prévu de passer les 8
prochains jours sur l'île de Chiloé.
Après avoir fait nos adieux à Solange et Susu, nous prenons le
bus pour Valdivia, étape nécessaire pour rejoindre notre
destination finale. Assis dans le bus, la gorge nouée d'abandonner
cette petite famille d'adoption mais le sourire aux lèvres de
bientôt fouler ces terres légendaires de Chiloé, nous regardons
défiler les kilomètres qui nous mènent de plus en plus vers le
Sud.... mais ça c'est une autre histoire.